Dans le domaine de la cynotechnie, j’imagine souvent une course dont je me figure difficilement qui pourrait en être le gagnant : c’est celle qu’il faudra bien un jour organiser entre la bêtise et la méchanceté…
Le sujet qui va m’occuper aujourd’hui en étant une excellente et non moins remarquable illustration.
C’est que l’on est venu me questionner au sujet de soi-disant « nouveautés » en toilettage, de nature à révolutionner, veut-on nous faire croire, la présentation de certaines races !
Et si c’était le cas, il s’agirait en effet d’une révolution, puisque se trouvent précisément concernés les types « Spitz », « chiens nordiques », ou encore « primitifs » ! En effet, cette catégorie de fourrures, rattachée aux patrons « pelage à poils droits, courts et longs » est presque certainement la plus proche de ce que devait être la toison des premiers chiens, ou dit autrement la plus proche de la fourrure originelle.
Il s’agit d’ailleurs d’un patron relativement complexe, avec des variations très significatives de longueurs et d’épaisseur du poil selon les régions ; ajoutons à cela la densité d’un sous-poil généreux, protégé par un poil de couverture épais et vigoureux, ce qui nous donne un ensemble remarquablement protecteur, non seulement contre les froids les plus agressifs, mais aussi, on le sait aujourd’hui, contre la chaleur !
Que peut faire de plus intelligent le toiletteur que de se mettre au service de ce que l’on peut en effet considérer comme une forme de merveille de la nature ? Brosse à picot, peigne à dents longues (pour travailler en profondeur), couteau à trimer pour éliminer ici ou là telles excroissances…
Alors, ces « nouveautés », de quoi s’agit-il ? Vous l’avez deviné, à l’aide de ciseaux, voire de tondeuses, d’ignares prétentieux vont se targuer de faire mieux que la nature ! Une mode qui nous vient nous dit-on, du Japon ! La seule consolation à cette origine lointaine étant que finalement l’erreur n’est pas l’apanage de notre seul vieux continent !
Épargnons-nous la discussion concernant l’esthétique : vous avez le droit de trouver à votre goût ce charcutage pilaire, et le cynophile que je suis a bien le droit à son tour de ne pas aimer du tout. Mais ce débat n’a aucun intérêt.
Ce qui compte, c’est le bien-être du chien. Or il en est des « poils droits, courts et longs » comme de tous les autres : en les sectionnant (par coupe, par tonte, ou même avec les dents), on les dénature, et dans le cas de ce patron, de manière presque définitive ! Il suffit pour s’en persuader de parcourir les forums, où nombreux sont les propriétaires à crier au secours, signalant qu’après une coupe sur leur chien, le poil qui a repoussé n’a plus rien à voir avec l’original : sans tenue, ayant perdu toute sa raideur, il présente en outre une couleur vaguement jaunâtre, du plus vilain effet ! Ces pauvres propriétaires demandent des conseils ! Et il se trouve d’ailleurs de braves ignorants pour leur en donner ! Là, on recommande un shampooing, ailleurs une coloration…
Mais ce que ces propriétaires ignorent, c’est que l’aspect désormais déplaisant du pelage n’est que le dommage le moins grave causé à leur animal : le vrai mal, c’est que désormais ce pelage n’est plus en mesure d’exercer aucune des actions protectrices pour lesquelles il était conçu, qu’il s’agisse de l’humidité, de la pluie, de la pollution, de la chaleur ou du froid. La sagesse est désormais le port systématique de manteaux adaptés aux agressions du moment.
Couper un poil long, en espérant s’épargner ainsi le souci de son entretien, est déjà difficile à accepter, mais comment justifier de couper ou tondre un poil droit, pour le seul motif de céder aux caprices de modes plus ou moins exotiques ? Ignorance ou méchanceté ? Pour les propriétaires, c’est à l’évidence la première qui explique leur décision. Mais pour ceux qui se sont chargés de son exécution, et plus encore s’il s’agit de professionnels, il est difficile de le croire. À chacun ses conclusions…