Donc, nous sommes bien d’accord : la principale préoccupation d’un éleveur devrait être la production de chiots ou de chatons aussi bien socialisés que possible.
Entendons-nous bien sur le sens que nous prêtons à ce concept de socialisation. Pour nous, un jeune animal sera bien socialisé quand il aura été fait en sorte que son psychisme soit en adéquation aussi parfaite que possible avec le projet de vie de cet animal, une vie au sein d’une famille humaine.
On peut trouver toutes sortes de recommandations pour améliorer la socialisation, mais une lecture littérale pourrait induire en erreur, en donnant à croire que cette socialisation pourrait être le produit de recettes presque mécaniques : tant de minutes de contact quotidien chaque jour, occasion donnée aux animaux d’un volant suffisamment large d’expériences précoces…
Attention, de telles démarches prises au pied de la lettre pourraient vous faire passer à côté de l’essentiel : c’est que la socialisation n’a rien d’« automatique », elle repose au contraire sur la réalité et la qualité de la relation interpersonnelle entre l’animal et son éleveur.
Et voilà pourquoi un élevage industriel ne sera jamais en mesure de produire des animaux aussi bien socialisés que ceux qui sont issus d’élevages familiaux.
Un exemple parmi tant d’autres. Nombreux sont les auteurs qui jugent que la socialisation ne commence pas au moment de l’ouverture des yeux comme il est parfois admis, mais beaucoup plus tôt, et cela même avant la naissance.
Au cours de cette période prénatale, on se doute que des échanges d’informations se produisent entre la mère et ses fœtus. Ces informations ont un support chimique, qui transitent par le sang de la mère, et vont passer au travers du placenta. Certaines de ces substances ont un rôle nourricier, et d’autres sont des hormones, qui jouent un rôle beaucoup plus direct sur le développement des fœtus.
Un excès de stress prolongé et continu aura donc un effet direct sur ces fœtus. Au contraire, les sensations de plaisir ou de satisfaction produisent des hormones qui se révéleront favorables au meilleur développement de la portée.
Mais il y a plus : on a pu démontrer que plus de 40 jours avant la naissance, c’est-à-dire 20 jours après le début de la gestation, les chiots et les chatons commencent d’acquérir une sensibilité tactile. Cela signifie que la manipulation de la mère pendant cette période va jouer un rôle important. Lorsque l’on manipule la région abdominale d’une femelle gestante pour la première fois, on observe un comportement de retrait chez les fœtus.
Mais si l’on répète cette manipulation quotidiennement, non seulement le comportement de retrait ne s’observe plus, mais au contraire les fœtus semblent vouloir participer au contact, qu’ils apprécient par conséquent. Il est évident que ce résultat ne s’observe que si la mère elle-même apprécie le massage, au point de le solliciter ou de le rechercher. Il se produit certainement une double action pour les fœtus : sensation du massage direct, actions positives des hormones sécrétées par la mère à cette occasion.
À l’inverse, les sujets de portées dont les mères n’ont pas été manipulées pendant leur grossesse présentent un pourcentage significatif d’individus montrant une tolérance diminuée ou faible au contact physique avec l’homme.
En conclusion, la socialisation des chiots commence très tôt, au moins 40 jours avant la mise bas. Un massage régulier, de préférence quotidien, de la région abdominale de la parturiente, d’au moins quelques minutes est recommandé. Il ne doit pas s’agir, cela va de soi, d’un massage mécanique qui ne produirait que peu d’effet, mais d’un geste réfléchi, tout empreint d’une affection aussi réelle que sincère.
En somme, le plaisir pendant l’action de ce massage abdominal doit être partagé, et apporter à l’éleveur qui le prodigue une satisfaction symétrique de celle éprouvée par l’animal. C’est à cette condition que le massage prénatal apportera tous ses bienfaits à la future portée. Le métier d’éleveur est avant tout un métier affectif.