Le sait-on encore ? C’était pourtant hier que le principal argument commercial de la plupart des éleveurs de chiens ou de chats était la revendication d’être un élevage « amateur », ou « familial » ?
C’en était au point que même des élevages tout ce qu’il y a de plus professionnels n’hésitaient pas à tenter de maquiller ce professionnalisme autant qu’ils le pouvaient…
L’éleveur « professionnel », dans l’esprit du public, était celui qui gagnait de l’argent en élevant et en vendant les animaux, et cela n’avait pas si bonne presse que cela…
Au contraire, « l’amateur », était considéré à la fois comme un « connaisseur » et un « véritable amoureux » des chiens qu’il élevait.
Et puis peu à peu, les connotations de ces deux mots se sont transformées… « Professionnel » a gagné de la noblesse : on a occulté l’aspect « activité rémunératrice » pour exagérer le sous-entendu compétence et savoir-faire désormais liés à ce vocable. Dans le même temps, on a dévalorisé l’amateur, pour en faire un dilettante incompétent, et pourquoi pas plus ou moins malhonnête…
Cette double évolution sémantique a ceci de remarquable qu’elle ne doit en réalité rien au hasard, puisqu’elle est au contraire le résultat objectif d’une manipulation des organisations précisément « professionnelles » auprès de l’opinion publique, manipulation relayée pour diverses raisons par les pouvoirs publics : il s’agit même d’une illustration, véritable cas d’école, de ce qu’une minorité organisée et agissante parvient à confisquer à son seul profit un vaste espace de liberté…
Le but des organisations professionnelles en général, et ici, des organisations professionnelles d’éleveurs, étant de se créer des espaces monopolistiques de production, supprimant de fait tout risque de concurrence : en clair, les éleveurs professionnels veulent être les seuls à produire des chiens ou des chats !
Mais pour arriver à cette fin, on ne se contente pas de manipuler le vocabulaire ! Il y a une façon beaucoup plus radicale de créer des situations de monopole : l’invention continue et permanente de réglementations !
Sous couvert des meilleures intentions du monde, les pouvoirs publics (pour avoir ou donner l’illusion d’une quelconque utilité) et les organisations professionnelles réglementent donc à tour de bras… Obligation de certificats, de diplômes, d’installations, de contrôles, de suivi administratif, comptable, fiscal, taxations… Et bien sûr, j’en oublie, tout est bon pour décourager toute ambition, toute velléité de concurrence.
C’est la lutte des artisans contre les autos entrepreneurs, et dans le domaine qui nous occupe, des éleveurs professionnels contre les amateurs.
Que là ne soit pas l’intérêt des amateurs, c’est l’évidence ! Mais est-ce pour autant celui des consommateurs (ici, les candidats – acheteurs de chats ou de chiens) ? Est-ce même, réellement, celui des professionnels ? Nous allons voir que c’est exactement le contraire…
Mais remarque préalable, il faut savoir que cette tentation monopolistique n’a rien de spécifique à notre société française. C’est au contraire la règle générale : on peut démontrer que presque partout dans le monde, les entrepreneurs se montrent souvent les premiers ennemis de la liberté d’entreprendre, les éleveurs de chiens et de chats comme les autres…
Dans certains pays, ces derniers se montrent encore plus efficaces que chez nous. Il n’y a pas d’ailleurs à chercher loin : en moins de quelques années, les éleveurs professionnels belges se sont débrouillés pour rendre impossible toute forme d’élevage amateur. Aux États-Unis, les professionnels vont plus loin encore : pour supprimer toute forme de concurrence potentielle, ils ont inventé tout simplement de « stériliser », au sens propre, cette dernière. Comment ? Ils ne vendent plus, précisément, que des animaux stérilisés !
Et cela va beaucoup plus loin que vous ne le pensez ! La stérilisation ayant lieu très tôt, avant même la mise en place des organes génitaux, les animaux destinés à la vente n’ont plus d’appareil génital réellement fini, et ils vivront définitivement privés de toutes les fonctions hormonales normalement destinées à leur sexe. Il s’agit au sens propre d’animaux profondément diminués, privés de manière définitive de la part essentielle de leur nature. Les mâles, par exemple, n’ont tout simplement pas de testicules… (C’est la raison pour laquelle il faut lire avec beaucoup de circonspection les ouvrages très nombreux traitant d’éducation d’origine anglo-saxonne : de quel genre d’animaux parle-t-on ?)
Il ne s’agit donc même plus « d’animaux castrés », vous l’aurez compris, c’est bien pire…
Le problème, c’est que de tels animaux n’intéressent… que les ignorants ! Informés, les candidats – acheteurs prennent la fuite, on les comprend !
Ouf ! Nous n’en sommes pas (encore) là chez nous ! Il n’empêche, et même si personne n’ose le reconnaître, qu’il s’agit véritablement d’un sujet tabou : on observe depuis plus de 10 ans une chute quasi vertigineuse du nombre de chiens dans notre pays, avec pour corollaire la quasi-disparition de certaines races !
Et pour un observateur libéral, il n’y a rien là qui ne soit très normal : une activité, quelle qu’elle soit, ne peut exister et se développer que si elle peut s’exprimer dans toutes ses composantes.
Une majorité de propriétaires de chats ou de chiens, ou de candidats-propriétaires n’envisagent pas du tout de s’imposer les charges et les soucis d’une reproduction. Mais une petite minorité, plus passionnée, plus motivée, veut aller plus loin, et cela peut parfaitement se comprendre.
Sans l’existence de cette minorité, c’est l’ensemble du secteur qui se réduit comme peau de chagrin. Contrairement à ce qu’ils pensent, les éleveurs professionnels ne devraient pas considérer les éleveurs amateurs comme des concurrents, mais comme des partenaires !
L’élevage amateur ou familial est toujours possible dans notre pays : il ne doit pas être découragé, mais au contraire soutenu. À condition bien sûr qu’il s’agisse réellement d’un élevage « amateur » : des connaisseurs avertis et cultivés, passionnés, dont l’objectif n’est pas le rendement économique, mais la production d’animaux de qualité, équilibrés et « bien élevés ».
Et bien sûr, cet exemple spécifique pourrait être étendu sans difficulté : limiter la concurrence, c’est à dire la liberté, ne fait à terme le bonheur de personne, pas même celui des responsables de cette limitation.
Michel GEORGEL
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