Je le redirai, je le démontrerai : il existe d’excellents élevages professionnels. Mais cela n’empêche pas que l’élevage professionnel souffre d’un handicap majeur et irréductible : c’est précisément qu’il est professionnel !

jackrussel

Réalité économique

En effet, professionnel : cela signifie que la production de l’élevage doit, à elle seule, lui permettre de faire face à l’ensemble des coûts générés par cet élevage. Or la production, ce sont les chiots ou les chatons vendus. Pour être viable, une telle activité doit nécessairement produire un nombre d’animaux suffisant.

Or ce nombre devient très vite impressionnant.

Avez-vous déjà envisagé, par exemple, le nombre de chatons ou de chiots qu’il faut vendre pour assurer un seul salaire avec ses charges ? Si l’on admet, ce qui est aujourd’hui très optimiste, qu’un salaire avec ses charges représente, en France par exemple, un montant d’au moins de 30 000 €, et que le prix « départ élevage » moyen d’un animal vendu excède rarement 500 €, il vous faut vendre un minimum de 60 chiots pour payer ce seul salaire. 60 chiots, soit 10 à 15 reproductrices chaque année, et donc… 20 à 30 reproductrices présentes à l’élevage (une reproduction au plus tous les 18 mois) ! Pour un seul salaire ! Et pour l’instant, nous ne disposons pas du premier centime pour toutes les autres dépenses : amortissement et entretien de l’immobilier, alimentation et entretien des animaux, et tous autres frais…

Beaucoup de chiens, peu d’humains

Il en résulte immédiatement deux conséquences importantes. La première est qu’un élevage industriel compte nécessairement un nombre significatif de reproducteurs. La seconde est que le pourcentage de personnel attaché à l’élevage rapporté au nombre des animaux de cet élevage est nécessairement très faible.

Or les animaux de compagnie ont besoin d’un contact personnalisé avec nous, c’est l’évidence. Et ceci est encore plus vrai pour ce qui concerne les chiots et les chatons. En l’absence d’un tel contact quotidiennement répété et suffisant, le phénomène de la socialisation (que nous traiterons dans un autre entretien), cette aptitude à des contacts faciles avec notre espèce, ne se produit pas, ou se produit de manière incomplète.

Bien sûr, certains « traités scientifiques », tout en reconnaissant la nécessité de ce contact, prétendent que pour être efficace, ce dernier n’aurait pas besoin d’être long : quelques minutes suffiraient ! Et comme vous le pensez, les éleveurs professionnels se sont engouffrés dans cette brèche : ils passeraient avec leurs chiots tout le temps nécessaire à leur socialisation, quelques minutes quotidiennes.

Mais voilà qui laisse deux problèmes en suspens. Le premier est la réalité de cette durée minimale, dont l’appréciation n’a rien de scientifique, et qui reste au contraire parfaitement empirique et donc tout à fait discutable. L’expérience montre en effet que les chiots élevés « en famille » et ayant profité d’un contact continu avec notre espèce présentent des capacités d’éveil et d’adaptation nettement supérieures à celles de chiots issus d’élevages industriels, même convenablement socialisés.

Le second se rapporte à l’aspect qualitatif de ce contact quotidien. En effet, quelque bonne volonté que l’élevage professionnel puisse apporter à ce contact, à l’évidence, il ne pourra jamais rivaliser avec celui, beaucoup plus naturel, spontané, et surtout multiforme, apporté par une famille.

Un mode de vie en complète contradiction avec la nature

Mais il y a plus : et pour le comprendre, il faut en revenir aux premiers contacts entre nos deux espèces. Une majorité de loups a toujours refusé quelques rapprochements que ce soit avec nous. Au contraire, une minorité a recherché ce contact, choisissant protection et alimentation plus facile, en échange d’une relative perte d’indépendance. Résumons : d’un côté des individus libres et sauvages ; de l’autre, des animaux qui ont accepté de perdre une partie de leur liberté et de leur sauvagerie, pour choisir notre compagnie.

Maintenant, observons la situation de chiens dans un élevage industriel : voilà des animaux privés de liberté et privés de notre compagnie continue ! Une situation, à l’évidence, « contre nature » ! On peut avancer, sans exagérer, que les animaux mis dans une telle situation ont en quelque sorte « perdu sur tous les tableaux ».

Voilà qui explique, mieux que longs discours, pourquoi les animaux des élevages industriels montrent de façon presque systématique des comportements profondément marqués par le stress, et souvent à la limite de l’hystérie.

Le bruit d’une feuille qui tombe et voilà toute la meute qui entre en hurlements frénétiques, désordonnés, hystériques ! Reconnaissons-le honnêtement : à une situation qui n’existe pas dans la nature, les animaux réagissent par des comportements qui n’existent pas dans la nature ! Des comportements qui ne peuvent que nuire à leur équilibre psychique, voire à leur bien-être physique.

Quant aux amateurs de chats, qu’ils soient sans illusions : la démonstration que nous venons de faire pour l’espèce canine s’étendrait sans la moindre difficulté au monde des félins. Pour les vrais connaisseurs, cette proposition est à ce point évidente, qu’il n’est sans doute pas nécessaire d’insister plus avant.

Question peu correcte

Un autre problème, rapidement oublié, et pourtant quotidien, est celui des déjections.

Ce n’est pas un secret, j’ai beaucoup observé dans plusieurs pays, des chiens sans maître, ainsi que d’autres, plus ou moins attachés à une famille, mais jouissant dans les faits d’une complète liberté, pouvant aller et revenir comme bon leur semble (comme c’est encore le cas de beaucoup de chats « de famille »).

J’ai d’ailleurs moi-même vécu dans de telles conditions, avec plusieurs chiens.

Ce qui m’a permis de constater que jamais, je dis bien jamais, un chien libre d’aller à sa guise ne commet de déjections dans le proche voisinage de son lieu habituel de vie. Ou dit autrement, les chiens se montrent très respectueux de leur milieu de vie. Certes, les mâles peuvent marquer leurs territoires. Mais mâles et femelles s’éloignent pour leurs déjections.

Il y a donc une tendance naturelle de l’espèce à ne pas souiller son lieu de vie.

Paradoxalement, cette tendance est respectée pour les chiens que leurs propriétaires « sortent » quotidiennement à cette fin. Elle ne l’est plus pour les animaux qui vivent dans un espace clos, à moins que cet espace ne soit un parc d’une certaine taille.

Elle ne l’est donc jamais pour les chiens vivant en élevage.

Et il est vraisemblable que cette situation soit une forme de mal-être pour les animaux en détention.

Un entretien biquotidien se révèle par conséquent indispensable. Mais il ne constitue qu’un pis-aller.

Michel GEORGEL

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