< Ce billet suit Les difficultés de l’élevage professionnel (1/2)
Quand la nature est encore plus trompée qu’on ne saurait le croire
Qu’aucun canidé n’ait été conçu pour vivre « enfermé loin de nous », nous venons de le démontrer.
Mais l’anomalie représentée par la vie en « grand élevage » est encore plus grande que ces prémices ne pourraient le donner à croire !
Sujet de consensus : le loup est un animal de meute. Une meute serait une collection d’individus strictement hiérarchisés. Mais nous y reviendrons, cette description, qui fait consensus, est en réalité une formidable fumisterie ! La réalité est que les meutes de loups sont une vue de l’esprit, mais n’ont pas d’existence réelle. Ce qui existe, ce sont des familles, un couple reproducteur, accompagné des rejetons des deux ou trois dernières portées.
Mais ce qui n’existe pas, ce sont des individus matures au sein d’une même meute ! (Quand cela se produit, et cela se produit en effet, il s’agit de rapprochements de circonstance, générés par un projet commun, la chasse d’un gros gibier par exemple, rapprochements qui ne durent pas plus que le temps du projet.)
C’est dire que des adultes forcés de vivre à proximité les uns des autres se trouvent placés dans une situation qui ne rencontre aucune référence naturelle, rien dans leur mémoire génétique ! Une situation par conséquent génératrice d’un stress intense et dévastateur : les animaux des élevages industriels ne peuvent tout simplement par être heureux !
Fragilité concentrationnaire
Avons-nous fait le tour de tous les inconvénients de l’élevage industriel ? Non ! Le pire, c’est maintenant !
Le pire, ce sont les microbes et les virus ! C’est une loi générale : toute concentration d’individus a pour conséquence une prolifération naturelle et exponentielle de bactéries et plus encore de virus létaux pour cette population. Dit autrement, plus vous rassemblez d’individus dans un espace restreint, plus le risque de développement de maladies contagieuses devient important. Ce risque ne se développe pas en proportion du nombre des animaux, mais de manière exponentielle par rapport à ce nombre : plus la concentration est importante, plus le risque est multiplié.
Rien d’étonnant à cela ! C’est en réalité l’une des manières habituelles utilisée par la nature pour réguler les populations en nombre excessif par rapport à un environnement donné : l’exemple le plus courant de cette proposition est celui des lapins de garenne, régulièrement décimés par la myxomatose en l’absence de prédateurs régulateurs de surpopulations.
Les chiens, magnifiques prédateurs, et protégés par les humains auraient dû depuis longtemps connaître un accroissement très excessif de leurs populations. Un virus sans pitié s’est chargé depuis longtemps d’en contenir les excès : la « maladie de Carré » atteint de très nombreux chiots et élimine sans quartier les plus faibles d’entre eux. Bien sûr, le vaccin est venu limiter les effets du terrible prédateur. Mais il a très tôt été relayé par d’autres, encore plus effrayants, et comme sans doute le plus effrayant d’entre eux, le « parvovirus », contre lequel il est en réalité assez difficile de lutter, malgré l’existence d’un vaccin qui protège certes les adultes, mais pas les jeunes entre deux et trois mois et demi, ce qu’on appelle la période critique : nous y reviendrons.
La protection est assez facile quand il s’agit d’un élevage familial, avec au plus quelques animaux à surveiller, et un risque de fréquentation par ces animaux d’animaux malades réellement très faible. On le devine, il en va tout autrement en situation concentrationnaire avec un nombre important de pensionnaires ; un tel environnement se montre tout particulièrement propice au développement des maladies contagieuses, et la parvovirose est l’une des plus contagieuses d’entre elles.
La lutte contre les contagions impose des protocoles rigoureux, qui vont limiter, mais sans les annuler, les risques épidémiques : isolation de l’élevage, dans lequel on entre qu’avec des habits spéciaux, des bottes soigneusement rincées dans un pédiluve[1], quarantaine rigoureuse pour tous les animaux qui ont quitté l’élevage pour une raison ou pour une autre (participation aux expositions par exemple) avant leur réintroduction, programmes de survaccination de tous les pensionnaires…
Ce que nous venons de décrire est plus vrai encore dans le cas du chat, pour lequel les contagions infectieuses sont souvent plus graves encore, certaines d’entre elles se révélant létales dans tous les cas (pas de vaccins disponibles).
Résumons : les individus dans un élevage de caractère industriel sont nécessairement sur vaccinés contre les maladies les plus courantes. Mais par ailleurs, vivant dans un milieu surprotégé, ils ne bénéficient d’aucune immunité naturelle (autre que celles acquises par les vaccinations), à la différence de ceux qui sont élevés en milieu ordinaire, comme c’est le cas en élevage familial.
Explosion des prix de revient
En élevage familial, les coûts de production de quelques portées ne sont pas facilement quantifiables : à la rigueur une « caisse de mise-bas », quelques frais vétérinaires, et un peu de nettoyage…
Il en va tout autrement en élevage industriel. Nous avons vu que le nombre de chiens ou de chats nécessaires à l’équilibre économique de l’élevage interdit certainement de travailler seul, ou même en famille. Un personnel salarié sera certainement nécessaire, avec coûts et risques afférents.
En élevage familial, point n’est réellement besoin d’installations spécifiques. Il en va tout autrement dans le cas d’une production industrielle ; les animaux doivent être détenus au sein d’espaces dont ils ne seront pas susceptibles de s’échapper ! Ces espaces doivent leur permettre une protection contre les intempéries, une aération et ventilation suffisantes…, une protection contre le froid ou les chaleurs excessives…
Des installations coûteuses, par conséquent.
Il faudra aussi résoudre le problème des déjections (déjà évoqué) ; un puisard deviendra nécessaire ; d’autres équipements sont incontournables : une maternité, une cuisine, une infirmerie, des équipements de nettoyage…
Et bien sûr, pour finir, des locaux permettant la commercialisation…
On le voit, un élevage professionnel, c’est tout, sauf de l’improvisation ! Les investissements seront toujours conséquents ! Et leur amortissement ne manquera pas d’être un poste lourd du compte d’exploitation de l’entreprise !
Un élevage, c’est donc aussi de l’espace : si vous ne disposez pas d’un terrain de taille suffisante, il faudra l’acheter ; si vous ne disposez pas de bâtiments, il faudra les construire.
Tout ce que vous venons d’énoncer vaudra quel que soit l’endroit ; mais dans certains pays, ou dans certains départements, vous pouvez être soumis à des contraintes réglementaires ou administratives de nature à alourdir considérablement, s’il en était besoin, les coûts de votre exploitation.
Toutes ces considérations vous permettent de comprendre que le prix de revient des chiots et des chatons produits par les élevages professionnels est toujours relativement élevé. Il est encore plus élevé dans les pays à forte réglementation : c’est le cas notamment de la France, où le prix des chiots et des chatons atteint des niveaux qui ne se rencontrent nulle part ailleurs.
Michel GEORGEL
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[1] Bassin peu profond, dans lequel on passe à pied : ici, il est rempli d’un produit désinfectant destiné aux bottes.