Dans nos métiers, on parle de « main à chien » comme on parle de « mains vertes » en horticulture. De ces mains auxquelles il semble qu’aucun animal ne puisse résister. Mais s’agit-il réellement dun don, ou plutôt d’une technique, ou d’un ensemble de techniques, à la portée de quiconque veut faire l’effort de leur découverte ?

 On dit de certaines personnes qu’elles ont la « main verte «  : qu’elles approchent une plante, celle-ci se met à fleurir, celle-là qui se fanait reprend verdure et jeunesse, cette autre faisait pitié, la voilà qui semble exploser de bonne santé ! L’ignorant, même quand il est besogneux, appliquant en conscience arrosages et autres bouturages, et tout cela pour alterner échecs ou succès bien médiocres, y voit, au mieux, magie, au pire, quelque sorcellerie. Beaucoup de « mains vertes » trouvent la plus grande satisfaction à entretenir leur légende, elles réussissent parce qu’elles « ont le don », point à la ligne, il n’y a pas autre chose à dire. Mais quelques rares d’entre elles ont plus de franchise : elles vous avouent réussir, beaucoup plus parce qu’elles savent que par tout autre mystère auquel elles ne croient guère. Mais comme on parle des mains vertes, dans nos métiers de dresseurs, d’éducateurs, hommes de soins, toiletteurs, et autres handler, savez-vous que chez nous, on parle de « main à chien » !

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Oh, vous en avez tous connu de ces gens étonnants qui vous font en un instant de votre chien comme un autre chien, transformé, sublimé, ou apaisé !

Ce sujet insupportable, dont personne ne venait à bout, le dresseur n’en avait pas pris la laisse, qu’on le retrouvait apaisé, raisonnable, agréable ! Cet autre, dont les maîtres qui l’adorent pourtant, ne peuvent cependant l’approcher, même avec la plus douce des brosses, il n’était pas sur la table de sa toiletteuse, que celle-ci, sans effort apparent, sans contrainte visible, pouvait tout entreprendre ! Et, autre miracle, ce brave et gentil toutou de bonne compagnie, sympathique mais sans panache, à la main du handler, le voilà comme métamorphosé en champion explosant sur les rings !

Le regretté handler Pierre BOETSCH, qui a tant appris à tant d’entre nous, était particulièrement impressionnant de ce point de vue là : il partait avec trente, quarante chiens ! Oh ne dites pas qu’il les connaissant tant que cela, et qu’il les avait au préalable travaillés, le temps a les mêmes limites pour tous ! Mais ces chiens, qui avec d’autres auraient paru bien ordinaires, les uns après les autres, il ne les prenait pas en laisse, qu’ils en étaient comme « électrisés » ! Et semaine après semaine, exposition après exposition, Pierre était de tous les Best !

On voit beaucoup cela chez les handlers américains, qui sont très souvent professionnels. Mais chez nous, le travail de certains n’est pas moins impressionnant : citons, pour l’exemple, les prestations incontestables pour tous du handler français Marie France Séquino, qui a d’ailleurs eu la sagesse de beaucoup apprendre de Pierre Boetsch.

Apprendre, ai-je dit ? N’y a t-il pas magie ? Sorcellerie ? Ce que pense à part soi, en tous cas, l’ignorant, qui même besogneux, appliquant en conscience exercices et autres recettes, alterne les échecs ou les succès bien médiocres.

Beaucoup de « mains à chien» trouvent la plus grande satisfaction à entretenir leur légende, elles réussissent parce quelles « ont le don » (on reconnaît la chanson…)

Mains vertes, mains à chien : la vérité ? Mille et une connaissances, et sans doute plus encore, l’une après l’autre patiemment amassées, mille et une observations sagement conservées, une curiosité toujours en éveil, et la passion de continuer à chercher, à vouloir savoir, à vouloir comprendre.

Certains seront déçus, d’autres y trouveront encouragement : si l’on met en balance le savoir et le don, le don ne se voit plus tant le savoir est grand.

C’est que le chien, comme les autres animaux n’est pas un intellectuel. Je n’aurai pas l’outrecuidance de discourir sur relations interspécifiques, éthologues et comportementalistes le feront bien mieux que moi, mais, modeste homme de terrain, j’affirme que l’on parle au chien (comme aux autres animaux) avec une gestuelle, qui bonne ou mauvaise, consciente ou non, est ce qu’il reçoit de nous et le détermine. Avoir une main à chien, c’est tout simplement maîtriser sa gestuelle. Et cela s’apprend, se contrôle et peut sans cesse et toujours s’améliorer.

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Un tout petit exemple pour illustrer mon propos. Ce chien est conduit par son maître dans le salon de toilettage. L’apprenti se penche sur le chien pour lui passer une laisse de sécurité. Flash ! Il y a déjà erreur ! Le seul fait de s’être penché par-dessus le chien est déjà pour celui-ci une agression ! S’il est peureux, il est affolé ! Le connaisseur reprend alors la séquence : il ne se penche plus, il fléchit sur les genoux. Le chien est rassuré, la laisse est mise ! Miracle pense le client, sorcellerie marmonne l’apprenti. Ni miracle, ni sorcellerie, pourtant ! Le geste juste, au bon moment, tout simplement !

Quant à vous, jeunes apprentis toiletteurs, éducateurs, et autres professionnels, cherchez-vous des maîtres qui puissent vous apprendre cela, avant tout autre chose : la gestuelle de leur métier. Si vous avez la patience d’apprendre et de les écouter, vous aussi, vous comprendrez ce que cela veut dire : avoir une « main à chien » !

Michel GEORGEL, Ecole de Toilettage, Ecole Education Canine

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